Homélie du 29 mai 14 Ascension
Cela aurait été surement plus simple si Jésus était resté avec nous. Il nous aurait aidé pour bien comprendre les Ecritures, la foi ne serait plus une question et la plupart des humains se seraient convertis. Ouf, un vrai souci de moins. Finalement, c’est un peu comme la création, pourquoi Dieu a-t-il donc fait l’homme libre ? Si nous étions programmés uniquement pour faire le bien, Il n’aurait plus de problème avec nous.
Sauf que aimer, ce n’est pas tout à fait cela, ce n’est jamais enfermer dans une cage aussi dorée soit-elle. Aimer c’est toujours susciter en l’être aimé l’émergence de sa vocation et l’aider à l’accomplir. C’est la mission qu’a confié le Père au Fils dans le Mystère de son Incarnation en Jésus. Parce que la vocation de l’homme, c’est d’entrer dans l’intimité du Père en passant par le Christ, par ce Christ Ressuscité, communion intime d’un corps d’homme ressuscité et du Fils. Si le Christ ne va pas jusque là, le chemin de notre vocation ne nous est pas ouvert. Cela voudrait dire que nous restons enfermés dans la précarité de nos choix et de nos œuvres. « A l’homme c’est impossible, mais à Dieu tout est possible. »
Nous sommes en plein travail d’enfantement, les neuf jours entre l’Ascension et la venue de l’Esprit sont comme les neuf mois de l’attente de Marie : un Avent, pour que l’un de la Trinité vienne en ce monde. A Noël, c’est le Fils ; à la Pentecôte, c’est l’Esprit. L’Ascension, c’est une fête de l’Espérance qui nous fait passer d’un temps à un autre, d’un monde à un autre, de la finitude à l’éternité en Dieu.
Mais l’éternité ce n’est pas ailleurs, ce n’est pas plus tard. C’est ici et maintenant, mais toujours avec un autre regard et c’est ce qui est le plus difficile. Dans l’Evangile de Matthieu, il semble bien que les disciples aient eu du mal à changer de regard : certains eurent des doutes. Pourquoi nous faire venir jusqu’en Galilée alors que nous sommes peut-être recherchés comme complices par ceux qui ont fait crucifier Jésus ? Ils n’ont pas encore assimilé tout l’enseignement que Jésus leur a donné pendant trois ans. Ils sont encore dans le besoin de certitude et leur cœur est lent à comprendre, comme le notre. Ils ne sont pas encore rentrés dans la folie du message que Jésus va leur demander de transmettre, message qui est l’œuvre de la Sagesse de Dieu. Il va falloir dire que Dieu, en Christ s’est communiqué aux hommes, pas seulement à un peuple particulier, celui de l’Alliance, mais à tous les hommes. Et il va falloir inviter ces hommes à entrer dans la communion d’amour divine qu’est la communion du Père, du Fils et du Saint Esprit.
« Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! » N’imaginons pas que le pouvoir nous appartient. Marie Noëlle Thabut relate une conversation de Jean XXIII. Quelques jours après son élection, un ami lui dit : comme la charge doit être lourde ! Jean XXIII répond : « C’est vrai le soir quand je me couche, je pense, Angelo, tu es le Pape, et j’ai bien du mal à m’endormir ; mais au bout d’un moment je me dis, Angelo, que tu es bête, le responsable de l’Eglise, ce n’est pas toi, c’est le Saint Esprit… Alors je me tourne de l’autre coté et je m’endors ! » L’évangélisation doit être notre travail, pas notre angoisse si nous sommes vraiment dans la communion de l’Esprit du Christ. Christian de Chergé disait : « La fécondité de l’Eglise ne dépend pas d’abord de sa foi, mais de son amour : allez, aimez de toutes les nations, faites des disciples de l’amour. » Amen